Roth Aodren

Échec et Mat

Échec et mat est une performance se concentrant, comme son nom l’indique, sur les échecs. Deux personnes, installées confortablement sur des chaises, se voient s’affronter dans une partie d’échec tout ce qu’il y a de plus classique. Cependant, elles seront toutes les deux au centre d’une projection qui affichera un mélange de vidéos évoquant la guerre.

Je vais vous donner quelques pistes de réflexion. Ma performance est donc toute simple, je joue aux échecs pendant que je suis filmé. Des images de guerre, de fleuve et de feu sont projetées sur le plateau d’échec. Le son, composé de bruits de guerre, a été rajouté au montage. Les deux joueurs ne parlent pas.

"Échec et mat" est le terme notamment utilisé aux échecs quand l’on bat notre adversaire, le terme s'est même dégagé des échecs et est devenu une expression populaire désignant le fait de battre quelqu’un. De ce terme se dégage donc un sentiment d’opposition et de victoire que l'on peut rapprocher de la guerre. Voilà pourquoi j’ai fait ma performance : parler de la guerre tout en jouant.

Le divertissement est pris tel un moyen de nous faire oublier la mort. L’être humain joue et réfléchit alors qu’autour de lui il n’y a que la mort. Cette mort est synthétisée par la projection et par les bruits de guerre que l’on entend dans toute la vidéo. De plus, elle transforme cette mort en quelque chose que la personne voit. Le joueur sait qu’en tant que personne, il va mourir un jour ou l’autre, et de lui–même, vient jouer avec cette projection de la guerre (et par conséquent la mort) avec moi. L’idée ici est de représenter le concept de Pascal sur le divertissement. Pascal disait que le divertissement permettait de nous faire oublier notre propre mortalité. De plus, ici je fais référence à la mort comme évoquée dans le film 7ᵉ seau d'Ingmar Bergman.

En réalité, la situation ne se déroule pas sur un champ de la mort, mais plutôt sur un champ de bataille. Bien que la différence ne soit pas flagrante, ce que je veux dire ici, c'est ce que le joueur peut être littéralement sur un champ de bataille, transformant la métaphore de la mort par les projections en quelque chose de plus littéral. Le joueur devient général, il avance ses pions et essaye de développer une stratégie, à partir de celle qu’il connait. Le joueur et le général ont ça en commun, par conséquent le joueur peut être général. Si un joueur réussit à créer des stratégies et à battre ses adversaires, peut-il aussi les battre sur le champ de bataille, s’il était à la place du général ?

La réflexion autour du projet peut être interprétée comme quiconque le veut, je n’affirme en aucun cas que mes interprétations sont les seules possibles, mon but dans cette performance est aussi de faire participer quelqu’un et de le laisser parler avec moi, jouer avec moi, d’égal à égal, sans qu’il y ait un quelconque rapport dominé/dominant. D’ailleurs, la personne qui joue avec moi peut être la personne qui ne remarque pas la mort, mais je peux tout autant bien l’être. Bien sûr ici, une seule personne a joué avec moi, peut-être s'est elle amusée et a oublié la mort, ou peut-être que cela lui a rappelé sa propre mortalité.